Cet exotique édifice unique en son genre en France doit tout à Jean MARCHIANI (1894-1969), ancien combattant de 1914-1918 et en 1938, Directeur de l’Office départemental des Mutilés anciens combattants et victimes de guerre du Rhône. Au lendemain des massacres des 19 et 20 juin 1940, il organise le regroupement des cadavres inhumés à la hâte un peu partout et envisage de créer pour ces « interdits de sépulture » un cimetière particulier qui commémorerait « l’héroïsme militaire, l’honneur africain et la barbarie nazie ». Son initiative est freinée de toute part et c’est sur ses propres fonds qu’il achète un terrain à proximité du lieu-dit « Vide-Sac » , où a eu lieu le massacre, aux limites des communes « les Chères » et « Chasselay ».
Il y fait regrouper après identification -si possible-! 188 corps pour la plupart des tirailleurs africains tombés au combat. Les généraux Frère et Doyen, et Calendou Diouf, député du Sénégal, secondent ses efforts. Vichy finit par participer au financement. Diverses subventions et dons, quelques souscriptions permettent d’édifier en deux ans ce cimetière, ce « TATA AFRICAIN » inauguré le 8 Novembre 1942, le jour même du débarquement des forces américaines et britanniques en Afrique du Nord, et solennellement honoré le 24 Septembre 1944.
« Voilà que l’Afrique se dresse, la Noire et la Brune, sa soeur L’Afrique s’est faite acier blanc, l’Afrique s’est faite hostie noire ». Léopold Sédar Senghor dans le poème dédié à Félix Eboué, « Le Lion noir à la crinière d’honneur»
Tout dans ce monument – devenu en 1966- nécropole nationale et, nous l’espérons, devrait devenir un jour le « MEMORIAL DES SOLDATS AFRICAINS MORTS POUR LA FRANCE » – tout est conçu pour honorer la valeur de ceux que les Nazis vainqueurs et occupants de notre sol ont tenus pour des « sous-hommes ». L’édifice (Tata, c’est-à-dire, enceinte fortifiée fréquente au Soudan) est un enclos de couleur ocre qui évoque les chaleurs africaines et le sang répandu par les Noirs aux côtés des Blancs sur le sol de la Métropole. Les pieux qui hérissent le seuil et les tours d’angle rappellent l’héroïque défense des redoutes (le sergent Lamine, Fachoda, Chasselay) et le respect dû aux morts. Ce respect est sacralisé par les masques très évocateurs du Grand Portail à claire-voie – ils furent exécutés par les ateliers du Père Boisard sur des dessins fournis par les Pères des Missions Africaines représentés le jour de l’inauguration par le célèbre Père Aupiais – et par les emblèmes symboliques des deux principales confessions qui surmontent le mur opposé au portail.
Les configurations des stèles conviennent aux deux religions pratiquées par les tirailleurs. Enfin, le drapeau français central rappelle l’enjeu de tous ces sacrifices. C’est celui de la Première République issue de la Révolution française à laquelle se référeront par la suite tant de nouvelles démocraties à travers le monde et que le Reich allemand croyait avoir fait à jamais disparaître.
Noble, originale et magnifique sépulture offerte à ceux qui en étaient délibérément privés, devenue un lieu cher aux Africains de toute ethnie et désormais ressortissants de pays indépendants.
Des cérémonies, qui chaque année, en juin et en novembre, réunissent Européens et Africains pour méditer ensemble sur ces journées dont l’histoire peu à peu précise la portée.
– Reste à faire l’inventaire de toutes les bonnes volontés et des corps d’Etat qui ont participé à l’édification de ce monument. Archives locales et ultimes témoignages oculaires sont sollicités.
– « Sénégalais ». Cet adjectif tout à fait naturel à une époque où les Tirailleurs, d’abord recrutés au Sénégal puis enrôlés depuis l’A.O.F. et l’A.E.F. sous ce sigle devenu générique, est désormais tout à fait impropre et gênant pour les ressortissants des nouveaux pays indépendants, représentés par tel ou tel Tirailleur inhumé dans ce cimetière
« TATA AFRICAIN » apaiserait toute controverse et faciliterait le devenir de cette nécropole nationale en « MEMORIAL DES SOLDATS AFRICAINS MORTS POUR LA FRANCE ».
En marge des faits, il convient de citer les personnes qui se dévouèrent au cours de ces tragiques évènements.
Texte extrait de la notice figurant au Musée de Chasselay:
Madame Morin, pharmacienne à Chasselay qui mit tous les moyens de son officine au service des secouristes et dispensa elle-même des soins aux blessés, bien souvent dans des conditions dangereuses.
Mère Clotilde, supérieure du couvent de Montluzin qui fut décorée de la Croix de Guerre avec palme pour son courage face à l’ennemi et son dévouement absolu pour les membres de sa congrégation et les militaires blessés au couvent et ses environs.
Mademoiselle Jeanne Damour, infirmière à Chasselay, aidée d’autres personnes qui, pendant et aprés les combats, de jour et de nuit, au risque de leur vie, sont allés donner des soins aux blesses, les ont hébergés ou ravitaillés en tous lieux.
Madame Villard-Joannard, présidente du comité d’entraide de Chasselay, qui a fait installer un poste de secours dans sa maison afin que soient donnes les premiers soins aux blessés.
Madame Meifredy, présidente des « Amitiés africaines de Lyon » qui s’est employée à rechercher tous les morts dans la commune et a fait conduire discrètement dans un hôpital militaire français les 15 soldats sénégalais trouvés blessés.
Monsieur Murard, directeur d’école et secrétaire de mairie qui, sous l’autorité du maire a organise les inhumations provisoires des corps et effectue les recherches d’identification des soldats tues, a l’aide des plaques matriculaires. Nous lui devons également de précieux récits et témoignages sur ces douloureuses journées.
Il faut ajouter à ces actions personnelles, non moins courageuses de nombreux habitants de Chasselay et des environs. Courant le risque de dures représailles ils ont cependant caché, soigné, nourri nos braves tirailleurs terrés dans la campagne, sans nourriture et bien souvent blessés, victimes d’une chasse à l’homme sans pitié des troupes S.S. Allemandes.
1 ping
[…] En savoir plus en cliquant ICI […]